Ces termes médicaux qui inondent le jargon économique
- 878 lectures
«Cure d'austérité», «diète», «contagion»... Le lexique médical inonde le monde économique, avec l'obsession de la «bonne santé», a fortiori pour les banques et les marchés. Le Figaro.fr vous explique cette tendance.
Les symptômes sont nombreux! On craint la «dépression», on conseille une «diète» et, parfois, on va jusqu'à prescrire une «cure d'austérité». Experts, journalistes, chercheurs... Les images médicales foisonnent lorsqu'il s'agit d'économie... même si cette métaphore peut être trompeuse. Troubles physiques ou mentaux, remèdes homéopathiques ou thérapies de choc: «l'analogie avec le monde médical est permanente», observe auprès de l'AFP Éloi Laurent, chercheur à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et auteur de Nos mythologies économiques. Une façon de «rapprocher un domaine en apparence ésotérique de quelque chose qu'on connaît, à savoir le corps humain», souligne l'universitaire, qui fait état d'une «obsession» propre au discours économique: «l'obsession de la bonne santé, surtout pour les banques et les marchés».
Cette représentation, relayée par les médias et les responsables politiques, puise ses racines dans l'histoire de la pensée économique, en particulier la pensée physiocrate, fondée par l'économiste et médecin François Quesnay (1694-1774), inventeur du célèbre «tableau économique». «Pour Quesnay, il est possible de se représenter l'économie selon le schéma de la circulation sanguine», explique Bruno Théret, de l'université Paris Dauphine. Le sang représente alors les «richesses et marchandises» et les organes vitaux les «classes» sociales, qui ont chacune «une fonction indispensable à la vie de tous».
Dans ce schéma, dysfonctionnements et déséquilibres du marché sont apparentés à des maladies. Le lexique économique qualifie ainsi de «toxiques» les emprunts de nature risquée, et de «syndrome hollandais» le déclin industriel provoqué - dans certains pays - par l'abondance de ressources naturelles. Pour combattre ces défaillances et éviter toute «contagion», les économistes proposent des solutions. Exemple: des «cures d'austérité» (baisses draconiennes des dépenses publiques). Ou à l'inverse, des «injections de liquidité» (création de monnaie par la banque centrale). Autant d'expressions qui renforcent le parallèle dressé entre l'économie et la médecine, dont on attend, selon Bruno Théret, des résultats équivalents: «corriger les imperfections des systèmes soumis à leurs investigations» et «combattre les attaques des corps étrangers ou les emballements internes».