Aussi miraculeuse soit elle, la naissance de grands prématurés ne doit pas faire oublier que près de la moitié d'entre eux présentent d'importantes anomalies du développement et de grandes difficultés d'apprentissage à l'école, selon la plus vaste étude sur le sujet publiée jeudi dans le "New England Journal of Medicine".

Les progrès médicaux autorisent maintenant les médecins à sauver des prématurés nés de plus en plus tôt. Si chez eux certains troubles du développement étaient déjà connus, les conséquences à long terme de ces survies miraculeuses ne l'étaient en revanche pas encore.

"Nous avions vraiment besoin de connaître le devenir de ce groupe d'enfants", a expliqué l'un des chercheurs, le Dr Neil Marlow, spécialiste en néonatalogie à l'Université de Nottingham (Angleterre).

Les recommandations officielles insistent sur le danger de maintenir en vie les très grands prématurés, mais établir une frontière entre ceux qui peuvent vivre et les autres reste une décision très controversée et riche en émotions. Les résultats de cette nouvelle étude devraient aider les médecins et les parents qui y sont confrontés.

Une grossesse normale dure de 37 à 42 semaines. Marlow et ses collègues ont suivi 241 enfants âgés de six ans environ, nés entre 22 et 25 semaines. Selon les résultats, 46% d'entre eux présentaient des handicaps modérées ou graves, notamment une paralysie cérébrale, une perte de l'audition et une baisse de l'acuité visuelle, et des problèmes d'apprentissage; 34% étaient légèrement handicapés et seuls 20% ne présentaient aucun handicap. De plus, 12% présentaient une paralysie cérébrale handicapante.

"Ceci dresse pour la première fois un bilan réel de ce qui arrive à ces enfants nés à la limite de la viabilité", a fait valoir un autre chercheur, le Dr Dieter Wolke, de l'Université de Bristol (Angleterre).

Les chercheurs britanniques ont suivi à la trace de très grands prématurés nés en Angleterre et en Irlande pendant la presque totalité de l'année 1995. Seul un quart des prématurés nés vivants a survécu et a pu rentrer de l'hôpital à domicile, soit 1% de ceux qui étaient nés à 22 semaines, 11% à 23 semaines, 26% à 24 semaines, et 44% à 25 semaines.

Les survivants étaient évalués à l'âge de deux ans et demi, et présentaient d'importants handicaps. Ils étaient évalués une nouvelle fois à six ans.

Dans un éditorial d'accompagnement, les Drs Betty Vohr, de l'hôpital de la Providence des femmes et des enfants à Rhodes Island, et Marilee Allen, de l'hôpital Johns Hopkins de Baltimore (Maryland), soulignent que l'étude montre les limites de ce que la médecine peut faire pour de tels bébés.

Jamie Anderson de Logan (Utah) a eu à prendre une décision rapide avant la naissance de ses jumeaux à 23 semaines en 1997. Elle a décidé de les garder en vie, sachant que leurs chances de survie étaient faibles et que le risque de handicap était grand. Son fils, né à 507 grammes, est mort en quelques heures. Sa fille, Navy, née à 620 grammes, a dû endurer quatre mois d'opérations et de transfusions sanguines avant de pouvoir sortir de l'hôpital.

"Nous avons eu la chance d'en avoir un des deux vivant, mais nous savons ce que c'est que d'en perdre un", a-t-elle confié.

Aujourd'hui âgée de sept ans, sa fille se porte bien. Elle vient d'apprendre à lire et à faire de la bicyclette à deux roues.

Sur le Net:

New England Journal of Medicine: http://nejm.org

Source : Associated Press

Date de publication (dans la source mentionnée): Dimanche, 9. Janvier 2005