Les stéréotypes de genre commencent très tôt, selon des chercheurs, qui regrettent la projection sur les enfants des idées du monde des adultes.



Les parents savent très bien reconnaître les pleurs de leur propre bébé et arrivent, en général, assez rapidement à comprendre leur sens (faim, douleur ou encore peur). Ils peuvent même évaluer le degré d'urgence ainsi exprimé et réagir en conséquence. En revanche, d'une façon générale, les adultes pensent souvent que les voix des bébés filles sont plus haut perchées que celles des bébés garçons et donc portent un jugement sur le sexe des très jeunes enfants rien qu'en écoutant leurs pleurs. Une étude de scientifiques* vient de prouver le contraire. Elle a été récemment publiée dans BMC Psychology.

Pour arriver à ce constat, les chercheurs et chercheuses ont d'abord enregistré des bébés âgés de trois mois en train de pleurer à la sortie du bain. « L'analyse de la structure acoustique des pleurs a montré qu'il n'était pas possible de distinguer filles et garçons sur la base de la hauteur des pleurs : des petits des deux sexes pleuraient dans l'aigu, d'autres dans les médiums, tandis que certains avaient une voix de basse », précise le CNRS dans un communiqué. Et pourtant, selon cette première série d'expériences, les adultes n'hésitent pas à attribuer un sexe aux bébés, en classant les pleurs graves comme ceux de garçons et les pleurs aigus comme ceux de filles.
Du sexisme, même chez les bébés ?

Dans la deuxième partie de leur travail, ces mêmes scientifiques ont présenté ces pleurs à des adultes en les attribuant soit à des petits garçons, soit à des petites filles. Les auditeurs et auditrices devaient alors se prononcer sur le « degré de masculinité ou de féminité des bébés ». « Sans hésitation, elles et ils classaient les prétendues filles aux pleurs aigus comme plus féminines que les autres, et vice-versa pour les garçons », peut-on lire. En d'autres termes, les adultes estiment bien que les intonations des pleurs varient selon le sexe. Ils utilisent les critères des voix après la puberté – celles des hommes étant en moyenne plus graves que celles des femmes – et ils les appliquent aux bébés, à tort.

(*) Équipes de l'Institut des neurosciences Paris Saclay (CNRS/Université Paris-Sud), de l'Université Jean Monnet, Saint-Étienne, du département de psychologie de l'université du Sussex et du Hunter College de New York.

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Auteur de l'article original: Anne Jeanblanc
Source: Le Point
Date de publication (dans la source mentionnée): Samedi, 30. Avril 2016
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