Le tableau noir du futur
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Demain, dans un monde où les noces du neurone et de la puce auront été consommées, l'objet principal de l'école ne sera plus le savoir, mais le cerveau.
Jusque-là, les prophètes à succès de l'Apocalypse éducative faisaient assaut d'imprécations contre les errements d'une école coupable d'avoir succombé aux vieilles lunes de l'"esprit 68" -laxisme généralisé, survalorisation de l'enfant, abandon des "bonnes vieilles méthodes qui marchent"... Peu importait que la réalité des salles de classe contredît l'essentiel de leurs diatribes, la jérémiade nostalgique s'est toujours bien portée, singulièrement en matière d'éducation.
Il va bientôt leur falloir compter avec de nouveaux oracles, tournés non vers la déploration du paradis scolaire perdu mais vers les vertigineuses questions que pose le futur. Parmi eux, Laurent Alexandre, chirurgien, cofondateur de Doctissimo en 2000, aujourd'hui dirigeant de DNA Vision, une société de séquençage du génome. Après avoir décliné sur son terrain de jeu premier -la médecine- les conséquences de l'avènement des nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives (NBIC), en annonçant l'immortalité pour demain, il s'apprête à faire un sort à notre système éducatif, de la maternelle aux grandes écoles.
Le substrat de son raisonnement est d'ores et déjà accessible en ligne, dans une conférence TEDx donnée à la fin de 2014, à Paris, et intitulée : "Nos enfants iront-ils demain dans des écoles eugénistes ?" (1). En substance : dans un monde où les noces du neurone et de la puce auront été consommées, l'objet principal de l'école ne sera plus le savoir, mais le cerveau. Au menu : implants intracérébraux, dopage légal, "neuroenhacement" (renforcement neuronal) et donc eugénisme intellectuel.
L'hypothèse est plausible, selon Laurent Alexandre, si l'on considère que, en France, l'écrasante majorité des parents qui apprennent qu'un foetus est porteur du gène de la trisomie choisissent l'avortement : cela forge sa conviction que les mêmes, dès lors qu'ils disposeront d'informations et de technologies leur permettant de donner un "avantage concurrentiel" à leur enfant, le feront... En somme, tous les moyens seront bons pour décupler les capacités neuronales des enfants -la Chine, selon Alexandre, aurait déjà lancé un vaste projet de recherche en ce sens. (...)