Si les médicaments restent décevants, la recherche ne baisse pas les bras : on a découvert que la flore intestinale pourrait jouer un rôle dans la maladie d'Alzheimer. Les explications du Dr Hervé Chneiweiss, directeur du laboratoire Neurosciences Paris-Seine.

Top Santé : Où en est la recherche sur la maladie d'Alzheimer?

Dr Hervé Chneiweiss Un des axes les plus intéressants concerne les liens entre inflammation chronique et maladie. Cette nouvelle piste pourrait impliquer le microbiote, c'est-à-dire les bactéries de notre système digestif. Il existe un dialogue permanent entre la flore intestinale et le système nerveux central. Elle peut favoriser, au niveau cérébral, un phénomène inflammatoire, lui-même connu aujourd'hui comme étant un marqueur de la maladie d'Alzheimer.

T.S. Pourrait-on réellement prévenir la maladie en modifiant la flore intestinale?

Dr H.C. De nombreux travaux s'y intéressent. La façon dont le microbiote peut être responsable d'une inflammation cérébrale est mal connue. Il est probable que, d'ici quelques années, on pourra donner des conseils alimentaires vraiment sérieux pour rééquilibrer le microbiote et contribuer ainsi à retarder l'apparition de la maladie d'Alzheimer, à défaut de l'éviter.

T.S. La prise d'anti-inflammatoires a-t-elle un intérêt?

Dr H.C. Les essais cliniques avec des anti-inflammatoires non stéroïdiens (donc hors cortisone) n'ont pas mis en évidence de bénéfices. Les mécanismes inflammatoires présents dans la maladie d'Alzheimer ne sont pas les mêmes que ceux des inflammations périphériques observées dans le reste de l'organisme. Il faut mieux cibler les mécanismes à l'œuvre dans le cerveau. Les cellules impliquées sont les cellules microgliales (constituant la microglie), qui jouent un rôle dans l'immunité. Elles ont longtemps été négligées, car on s'intéressait surtout aux cellules « nobles » du cerveau, les neurones. Actuellement, la microglie passionne les chercheurs.

T.S. Progresse-t-on en matière de diagnostic?

Dr H.C. Longtemps, ce diagnostic a reposé uniquement sur les symptômes de démence, qui peuvent avoir d'autres causes. Il ne pouvait être confirmé que post mortem, par l'analyse du cerveau. Et, dans 50 % des cas, on constatait qu'il était erroné! Grâce aux progrès de l'imagerie et à notre connaissance des cellules microgliales, il est maintenant certain à 95 %. On peut même prévoir le développement de la maladie dans les familles à risque. L'imagerie cérébrale par émission de positrons (Pet Scan) montre que ces cellules peuvent être dans un état « activé » (inflammatoire) dix à vingt ans avant les premiers symptômes! (...)

Auteur de l'article original: Cendrine Barruyer
Source: Top Santé
Date de publication (dans la source mentionnée): Vendredi, 29. Janvier 2016
Photo: