Chaque année en France, plusieurs centaines de nourrissons sont victimes de ce syndrome. Des familles accusées dénoncent des failles dans le diagnostic qui pourraient conduire à des erreurs judiciaires.
Un nourrisson qui n’en finit plus de pleurer et un adulte exaspéré qui l’attrape sous les aisselles et le secoue comme une poupée de chiffon afin de le faire taire. Ces drames, qui se jouent en quelques secondes, provoquent de graves traumatismes crâniens. Les victimes du syndrome du bébé secoué (SBS) n’en ressortent que rarement indemnes.

Selon le professeur Matthieu Vinchon, chef du service de neurochirurgie pédiatrique au CHU de Lille, « il s’agit même de la première cause de mortalité traumatique chez l’enfant ». Les lésions cérébrales, oculaires et de la moelle épinière peuvent survenir même en l’absence de choc. En effet, lorsque la tête du bébé est balancée rapidement d’avant en arrière, son cerveau heurte les parois de son crâne.

Pourtant, il n’est pas toujours simple de diagnostiquer un SBS ni d’en identifier les auteurs, d’autant plus que ces derniers ne prennent pas toujours conscience de leur gravité. Depuis 2011, la Haute autorité de santé (HAS) a émis des recommandations de bonnes pratiques sur le sujet. Y figurent les critères permettant aux médecins de diagnostiquer le syndrome à partir de l’histoire racontée par les adultes et des lésions constatées, notamment l’association de saignements internes autour du cerveau (hématomes sous-duraux) et au fond des yeux (hémorragies rétiniennes).

Lorsque le diagnostic est établi ou fortement suspecté, l’équipe médicale émet un signalement auprès du procureur de la République afin de protéger l’enfant et d’engager des poursuites judiciaires contre les auteurs. Les personnes incriminées sont alors entraînées dans une spirale judiciaire dont il est difficile de sortir, comme le dénonce Vanessa Keryhuel, présidente de l’association Adikia qui regroupe aujourd’hui 200 familles accusées de maltraitance criant leur innocence.

Une présomption de culpabilité ?
Une quinzaine sont défendues par Me Grégoire Etrillard qui pointe du doigt « l’utilisation par la chaîne pénale de la recommandation de la HAS ». Selon lui, les explications alternatives, comme des maladies rares, sont trop rapidement écartées. Il y aurait en la matière une présomption de culpabilité. « Le juge se sent tenu par une expertise médicale parfois contestable. Il faudrait d’autres éléments pour la corroborer. »

Des scientifiques en France et à l’étranger remettent aussi en cause la façon dont est posé le diagnostic. En 2016, un rapport du Conseil suédois de technologie, d’évaluation sociale et d’éthique médicale, équivalent de la HAS, a mis en avant des preuves scientifiques insuffisantes. (...)

Auteur de l'article original: Solenn Durox
Source: Le Figaro
Date de publication (dans la source mentionnée): Vendredi, 1. Mars 2019
Photo: