On connaissait la plasticité neuronale, cette capacité cérébrale permettant de s’adapter continuellement à son environnement ou ses expériences. Depuis une dizaine d’années, on sait que cette plasticité existe aussi au niveau de la synapse
, la structure par laquelle les neurones interagissent pour transmettre l’information. Elle serait notamment régulée par des voies moléculaires acquises par l’humain au cours de l’évolution. En quoi ces dernières sont-elles spécifiques de notre espèce, en matière de développement et d’apprentissage ? Cécile Charrier, chercheuse Inserm, vient d’obtenir un financement du Conseil européen de la recherche (ERC Starting Grant) pour en comprendre les rôles physiologiques et pathologiques.

En quoi la compréhension des mécanismes régulant la plasticité synaptique est-elle importante ?
Depuis sa découverte, il a été montré que la plasticité synaptique sous-tend nos capacités adaptatives et contribue aux processus de mémoire et d’apprentissage. La plasticité synaptique est altérée dans un grand nombre de pathologies du cerveau. Or, elle présente des spécificités chez l’humain que l’on ne retrouve ni chez les autres mammifères, ni chez les primates non humains. Décrypter les bases moléculaires de ces spécificités est utile pour mieux comprendre en quoi le cerveau humain est unique. C’est également important pour comprendre et éventuellement traiter certains troubles neurodéveloppementaux qui n’existent que dans notre espèce.

Comment votre parcours vous a-t-il porté à vous intéresser aux synapses ?
J’ai effectué mes études au magistère de biologie de l’école normale supérieure de Paris. Dans ce cadre, j’ai eu la chance d’intégrer le laboratoire d’Antoine Triller au moment où se développait une nouvelle méthode d’imagerie de molécules uniques, permettant de suivre les récepteurs aux neurotransmetteurs
à l’intérieur et à l’extérieur des synapses avec une précision nanométrique. Cette technique, que l’on qualifierait aujourd’hui de microscopie "super-résolutive" parce qu’elle permet d’aller au-delà de la limite de diffraction optique, a véritablement révolutionné la vision que l’on avait jusqu’alors des synapses. Elle a permis de montrer qu’il ne s’agit pas de structures fixes, mais de structures dynamiques dont les composants sont constamment échangés. Voir les molécules bouger à l’intérieur des synapses m’a fasciné. Et montrer que des changements infimes peuvent avoir des conséquences majeures sur la manière dont les neurones communiquent entre eux a été pour moi fondateur.

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Auteur de l'article original: Interview Cécile Charrier
Source: Inserm.fr
Date de publication (dans la source mentionnée): Vendredi, 30. Novembre 2018
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