Lionel Naccache est neurologue et chercheur en neurosciences, son dernier ouvrage "Le chant du signe" conte les aventures et mésaventures des interprétations quotidiennes.

L'équipe du Téléphone sonne adoooore regarder les rudes tempêtes qui soufflent sous nos crânes. Lionel Naccache connaît le cerveau comme sa poche, il a publié de nombreux livres sur le sujet. Le dernier en date s’intitule Le Chant du signe chez Odile Jacob. Quel est exactement ce chant ? On va en parler avec lui.

Amis auditeurs, intervenez sur tous les sujets cérébraux qui vous viennent à l’esprit ou qui hantent votre inconscient.

L. Naccache : Face à un signe, on est censé comprendre quelque chose. On en rencontre toute la journée, par exemple les feux rouges, panneaux de signalisation, pictogrammes... L'expérience menée sur les individus concerne donc la perception des choses. Elle se déroule en 2 temps : d'abord on envoie à notre cerveau l'information, et ensuite on reçoit le résultat de cette information. On l'interprète. Pendant l'enfance, on a beaucoup d'accidents de collision : de mauvaises interprétations des signes.

La plasticité cérébrale - Perdre un sens renforce-t-il un ou plusieurs autres ?

L. Naccache : Elle est considérable, même si il y a des limites, comme le facteur de l'âge. Par exemple, un patient amputé d'un bras qui imaginerait son bras retourné (chose physiquement impossible). On constate que le cerveau est capable de générer des combinaisons impossibles qui provoquent des douleurs incommensurables (et pourtant inexistantes physiquement, le membre ayant été amputé). La douleur peut être alors supprimée en renvoyant au patient l'image de son membre amputé dans une position correcte. Une fiction peut faire mal ! La douleur psychologique, nous la comprenons en utilisant les circuits plus anciens de la douleur physique.

Que se passe-t-il dans le cerveau d'une personne hypnotisée ?

L. Naccache : L'hypnose est un état de conscience. On peut continuer à nous rapporter des choses. Vous arrivez à avoir suffisamment confiance en quelqu'un pour remettre la fonction exécutive de votre cerveau dans ses mains. Des travaux par exemple sont faits sur une forme d'hypnose pharmacologique pour arriver à supprimer la douleur lors d'une intervention. On va arriver à orienter l'attention consciente du patient vers une autre pensée. La fiction peut faire mal et être aussi un antalgique !

Lorsque le cerveau n'obéit pas aux signes, est-ce le début de la liberté ?

L. Naccache : L'erreur de compréhension d'un signe vous révèle à vous-même comme un sujet libre. Or on est de plus en plus souvent dans des situations où l'on n'a pas la capacité d'être libre. C'est en se trompant qu'on se prouve qu'on est libre !

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Auteur de l'article original: France Inter
Source: France Inter - Le téléphone sonne
Date de publication (dans la source mentionnée): Lundi, 10. Avril 2017
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