Les assureurs veulent à tout prix mettre la main sur votre profil génétique
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Pour l’heure, en France, la loi protège l'intimité génétique de chacun. Mais la Suisse est sur le point de craquer. Et demain, les assurances trieront-elles leurs clients en fonction de leurs gènes?
Êtes-vous le seul propriétaire de vos gènes? Qui d’autre que vous peut avoir accès au prodigieux coffre-fort informatif que constitue votre patrimoine génétique? Durant des millénaires ces questions ne se posèrent pas: personne ne disposait de la clef. Et les assurances privées n’avaient pas été inventées. Vint la découverte de l’ADN. C’était dans la seconde partie du siècle dernier. Puis tout s’emballa dans l’ivresse d’une quête scientifique et médicale aux parfums d’eldorado.
Les assureurs sont très intéressés par nos données
Inaccessible, le coffre-fort génétique devint visible. Puis de plus en plus accessible. Se substituant aux cartomanciens, les généticiens annonçaient des miracles prédictifs. L’esprit de conquête, de lucre et la publicité suivirent: vous pouvez aujourd’hui (un prélèvement de salive, quelques cheveux ou une goutte de sang suffisent) connaître quelques aperçus d’une vérité personnelle, génétique et généalogique. Il vous suffit pour cela de contacter 23andme (c’est l’exemple le plus célèbre) ou l’une des entreprises similaires –comme la belge DNAVision du transhumaniste français Laurent Alexandre.
Dans ce nouveau contexte, quid de la préservation de l’intimité biologique héréditaire? Rempart contre cette irrésistible dynamique planétaire au service de la transparence génétique: la France, ses valeurs et son corpus législatif de bioéthique. Officiellement, tout y est verrouillé depuis les premières lois de 1994 transposées dans l’article 16-10 du code civil:
«L'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ne peut être entrepris qu'à des fins médicales ou de recherche scientifique. Le consentement exprès de la personne doit être recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l'examen, après qu'elle a été dûment informée de sa nature et de sa finalité. Le consentement mentionne la finalité de l'examen.»
Or la situation évolue aujourd’hui à très grande vitesse, outre-Atlantique mais aussi en Suisse:
«Notre gouvernement vient de soumettre au Parlement un projet de loi sur l’analyse génétique humaine. C’est un modèle du genre, ce texte prend en compte la subtilité des enjeux en une dentelle juridique destinée à protéger les citoyens de tout abus et à leur garantir la maîtrise de leur génome, explique à Slate.fr le Dr Bertrand Kiefer, rédacteur en chef de la Revue Médicale Suisse. Cette loi fait comme si notre pays était un monde étanche, fermé sur lui-même. La réalité, celle du marché mondial du séquençage et de la loi de la jungle qui y règne, n’est qu’à peine évoquée. (...)