L'étude de plus de 800 crânes trépanés sur une très large période montre que les chirurgiens de l'Empire Inca étaient plus habiles que leurs «confrères» américains de la guerre de Sécession américaine.

Quitte à se faire ouvrir le crâne, mieux valait se trouver dans les mains d'un chirurgien inca du XVe siècle que dans ceux d'un médecin militaire de la guerre de Sécession du XIXe. Telle est la conclusion d'une équipe de chercheurs de trois universités américaines, emmenée par David Kushner du département de médecine de l'Université de Miami, après l'étude plus de 800 crânes trépanés péruviens (ayant subi une opération visant à faire un trou dans le crâne) sur une période couvrant de 400 ans avant J.-C. jusqu'à la fin de l'Empire Inca. Dans un article publié dans la revue World Neurosurgery, ils comparent l'évolution des taux de survie à de telles opérations avec ceux de la guerre civile américaine (1861 à 1865), pendant laquelle un individu n'avait qu'une chance sur deux de survivre après l'ouverture de son crâne. Alors qu'il s'en sortait plus de 4 fois sur 5 chez les Incas!

«Il y a une combinaison de facteurs qui peuvent expliquer ce constat», explique Olivier Dutour, directeur d'études en anthropologie biologique à l'Ecole pratique des hautes études de Paris (Université PSL). «Il ne faut pas occulter la brutalité de la guerre de Sécession. Les blessures crâniennes par balle étaient plus graves et plus complexes à opérer que les traumatismes crâniens où les maux de tête des Incas. Il y avait un contexte d'urgence expliquant que toutes les précautions, notamment d'asepsie, n'étaient pas forcément prises, expliquant le plus faible taux de survie des patients pendant la guerre de Sécession. Ceci dit, cela n'enlève rien à l'habileté incroyable des chirurgiens incas.»

Les trépanations étaient des opérations extrêmement courantes dans le passé et sur tous les continents. Les plus anciennes traces de cette pratique sur des êtres humains datent du mésolithique, soit plusieurs milliers d'années avant les Incas. «Ce qui est très difficile aujourd'hui,c'est de réussir à reconnaître parmi ces opérations lesquelles avaient une raison médicale et lesquelles relevaient d'un acte magique ou religieux,» raconte Olivier Dutour. «La seule chose dont on peut être sûr, c'est que la plupart du temps (jusqu'à plus de 90% des cas chez les Incas), les patients survivaient.»

Après avoir subi une telle opération, les os du crâne cicatrisent. Le niveau de cicatrisation sur les bordures de l'orifice nous renseigne sur le temps de survie après l'intervention. Les auteurs de l'article ont pu déterminer trois catégories. Ceux qui sont morts sur le coup (pendant ou quelques jours après l'opération), ceux qui ont survécu de quelques jours à moins (...).

Auteur de l'article original: Vincent Bordenave
Source: Le Figaro.fr
Date de publication (dans la source mentionnée): Samedi, 16. Juin 2018
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