C’est une découverte qui pourrait révolutionner l’existence de certains enfants obèses. Trois études publiées, lundi, conjointement dans la revue scientifique Nature Genetics démontrent qu’ une obésité sévère de l’enfant peut provenir d’une anomalie génétique.

Un premier gène, MC4R, avait été identifié il y a 20 ans. Cette fois, ce nouveau phénotype répond au doux nom d’Adenyl Cyclase 3 (ADCY3).

Contrôler l’appétit dans le cerveau
« Ce gène produit une enzyme dont le rôle est de dégrader une molécule pour la transformer en un métabolite* contrôlant l’appétit dans le cerveau et les dépenses énergétiques dans le tissu adipeux », explique, dans un communiqué, l’Institut européen de génomique sur le diabète (EGID) installé à Lille. Le moindre dysfonctionnement et on a toujours faim.

« Cette découverte est une vraie cible thérapeutique pour soigner les troubles de la faim », souligne le professeur Philippe Froguel, directeur de recherche à l’EGID. En France, on recense environ 10 % d’enfants obèses. « On estime qu'au moins 5 % d’entre eux souffre d'une anomalie génétique qui détraque le phénomène de satiété après avoir mangé », poursuit Philippe Froguel.

Pour démontrer le mécanisme, le professeur lillois a étudié des familles consanguines au Pakistan, avec l’aide d’une étudiante, Sadia Saeed. « Dans ces populations, ce sont 30 % des enfants obèses qui ont une anomalie génétique. Nous avons séquencé tous les gènes de 138 enfants et parents originaires de Lahore pour trouver des mutations qui bloquent l’activité du gène ADCY3 », explique-t-il.

Obésité aussi au Groenland
En parallèle, un de ses anciens élèves, Christian Vaisse, chercheur à San Francisco, a prouvé l’interaction des deux gènes MC4R et ADCY3 dans le déclenchement des troubles de la faim. Une troisième étude réalisée chez les Inuits par un chercheur danois, Torben Hansen, a montré qu’une mutation, rare en Europe mais fréquente au Groenland chez des populations au fort taux de consanguinité, entraîne une obésité ou un diabète.

« C’est le résultat de 20 ans de recherche sur le sujet, note Philippe Froguel. On ne sait pas quoi faire des enfants obèses : les régimes marchent mal et la chirurgie provoque des effets secondaires. On peut imaginer un médicament pour réguler l’activité de ce gène. »

D’ailleurs, à la suite des précédentes découvertes génétiques du professeur Froguel sur le MC4R, de nouveaux médicaments sont en cours d’évaluation chez l’homme.

* Composé stable issu de la transformation biochimique d'une molécule initiale par le métabolisme.

Auteur de l'article original: Gilles Durand
Source: 20 Minutes
Date de publication (dans la source mentionnée): Vendredi, 12. Janvier 2018
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