Pédopsychiatrie : « La situation est grave »
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INTERVIEW. Manque de personnel et de lits, crise des vocations, crédits en baisse... Bernard Golse, pédopsychiatre à l'hôpital Necker, sonne l'alerte.
Bernard Golse est chef du service de pédopsychiatrie de l'hôpital Necker à Paris et président de la Cippa(Coordination internationale entre psychothérapeutes, psychanalystes et membres associés s'occupant de personnes avec autisme). Postes vacants, personnel en sous-effectif permanent, manque de lits, ascendant de plus en plus fort et problématique des neurosciences, crédits en berne pour la recherche : la psychiatrie publique, en France, vit une crise historique sur laquelle les professionnels du secteur ne cessent d'alerter le gouvernement. Une pétition, déjà signée par plus de 3 000 professionnels et usagers, circule actuellement sur Internet. Ce mardi 22 janvier est prévue une grande mobilisation nationale soutenue par trois syndicats de psychiatres et de médecins. Bernard Golse alerte, lui aussi, sur le naufrage du secteur spécifique de la pédopsychiatrie. Que va devenir un pays qui ne se donne plus les moyens de soulager la souffrance mentale de ses enfants et adolescents ?
Le Point : Quel est le problème le plus criant de la pédopsychiatrie ?
Bernard Golse : Le manque de praticiens hospitaliers… Le nombre de postes non pourvus en pédopsychiatrie est dramatique. Ces postes sont donc parfois occupés par des psychiatres d'adultes, ce qui n'est pas satisfaisant, ou par des médecins étrangers qui n'ont pas forcément la formation adéquate. Mais ils sont aussi bien souvent laissés vacants.
Comment expliquer ce manque de vocations ?
Être praticien hospitalier en pédopsychiatrie, c'est être accablé de travail, très isolé, pas très bien payé. Comment voulez-vous que ces postes fassent envie ? Il faudrait revaloriser les carrières et surtout repenser toute la filière. Les premières années de médecine sont presque exclusivement axées sur la biologie. Or la psychiatrie requiert aussi l'apport des sciences humaines. Il faudrait réintroduire de l'anthropologie, de la sociologie…
Ce n'est guère dans l'air du temps. Les neurosciences ne sont-elles pas en train d'écraser toute la discipline ?
C'est simple, tous les crédits vont actuellement à la génétique et aux neurosciences. Or, si on peut expliquer les troubles mentaux par des déterminants endogènes – la neurobiologie – ou par des déterminants exogènes – le contexte familial, social –, le mieux est évidemment d'essayer de comprendre comment, le plus souvent, ces deux aspects s'imbriquent. C'est ce que nous tentons de faire à la Cippa. La génétique et les neurosciences ne suffiront jamais à résoudre la violence, la précarité, l'instabilité sociale… Négliger les déterminants exogènes pour ne plus s'intéresser qu'au neuro-développement est une incroyable régression. (...)