Des chercheurs viennent d'identifier la cause génétique et le mécanisme menant à ce type de perte de l'audition, et peut-être le moyen d'y remédier…

La surdité liée au bruit concerne de plus en plus de monde. Cinq millions de Français seraient affectés par de telles pertes auditives qui altèrent leur vie sociale. L'OMS prédit qu'en 2030 un milliard d'individus seront soumis au risque de perte auditive consécutive à des niveaux sonores élevés, et pas en milieu professionnel. Cet organisme souligne qu'en raison de la surpopulation les mégapoles sont de plus en plus bruyantes, en particulier dans les pays en développement. Grâce à des travaux français, le mécanisme de ce type de surdité vient d'être découvert, ce qui ouvre de nouvelles perspectives dans la prise en charge des patients. Les travaux des chercheurs de l'Institut Pasteur, de l'Inserm, du Collège de France et de l'université Pierre-et-Marie-Curie, en étroite collaboration avec des chercheurs de l'université d'Auvergne, ont été publiés la semaine dernière dans la revue scientifique Cell.

En 2006, l'équipe de Christine Petit* avait identifié un nouveau gène responsable d'une surdité précoce. La protéine codée par ce gène avait alors été baptisée "pejvakine" ("écho" en persan). "Les tests audiométriques pratiqués chez des individus porteurs de mutations dans ce gène ont depuis montré une diversité inhabituelle des atteintes auditives, tant dans leur sévérité que dans leurs caractéristiques propres", précise le communiqué de l'Institut Pasteur. Les chercheurs ont voulu comprendre l'origine de cette hétérogénéité, d'abord en travaillant sur des souriceaux dont le gène de la pejvakine était inactivé. Ils ont remarqué que leurs atteintes auditives étaient très variables, allant d'une surdité légère à profonde, et que l'environnement acoustique des souriceaux – le niveau sonore auquel ils sont exposés – traumatise leur système auditif lorsqu'il est dépourvu de pejvakine.

Les prothèses auditives inefficaces, voire délétères

Les chercheurs se sont ensuite penchés sur les causes physiologiques de ce phénomène. Ils ont observé qu'en l'absence de pejvakine les cellules sensorielles auditives des souriceaux s'altèrent dès qu'ils sont exposés à des sons, même anodins : l'équivalent, chez l'homme, d'une minute en discothèque. Il faut alors deux semaines maintenues dans le silence pour que ces cellules récupèrent leur fonctionnalité. Si l'exposition se prolonge ou se répète, ces cellules finissent par mourir. "En d'autres termes, nous avons découvert qu'une atteinte génétique pouvait être à l'origine de pertes de l'audition déclenchées par des sons même faibles", explique Christine Petit. Et que certaines personnes ont des défenses naturelles moins efficaces que les autres contre les effets de la surexposition sonore.

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Auteur de l'article original: Anne Jeanblanc
Source: Le Point.fr
Date de publication (dans la source mentionnée): Lundi, 16. Novembre 2015
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