Le langage
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Premier livre traduit en français de Fritz Mauthner, intellectuel majeur du monde germanique. Une réflexion brillante sur le langage, objet philosophique par excellence. Ce livre est couplé avec la biographie de Mauthner également conçue par Jacques Le Rider.
Mauthner est le représentant d'un courant sceptique en philosophie du langage, influencé notamment par Gorgias ou Nietzsche. Il adhère également à une conception évolutionniste de la connaissance et de la vie psychique : notre connaissance est subjective et relative; elle est dirigée vers des buts pratiques et non vers une saisie objective des objets, elle est le fruit du hasard et non la marque d'une adéquation de la pensée et du monde. Mauthner voit par conséquent dans le langage un simple moyen de communication doué d'une fonction sociale, mais incapable d'être un outil pour la connaissance. Bien plus, le langage falsifie même cette dernière de par ses concepts anthropomorphiques et métaphoriques qui nous incitent à des hypostases sans fondement. Le langage donne lieu à un simple "fétichisme verbal", et les mots ne sont que des "outils inutiles".
Mauthner défend également une approche nominaliste selon laquelle les termes abstraits du langage n'ont aucune réalité: seuls les individus, les sensations et les contenus intuitifs existent réellement. La pensée abstraite ne serait donc pas possible sans le langage qui permet d'élaborer les concepts. Le concept n'est en ce sens rien de plus qu'un mot ou qu'un signe, que le "souvenir de perceptions assimilées" que l'on a progressivement privé de son contenu intuitif. La métaphysique apparaît alors comme quelque chose d'artificiel, et il convient par conséquent de la remplacer par la philosophie comprise comme "attention critique portée au langage" dont le but serait de nous libérer progressivement de ce dernier pour nous faire parvenir à une approche strictement intuitive de la réalité. Cette "critique philosophique du langage" est ce à quoi Mauthner se livre lui-même dans ses Contributions à une critique du langage.
Sa réflexion a exercé une forte influence sur de nombreux auteurs contemporains et postérieurs, notamment sur Gustav Landauer et sur Ludwig Wittgenstein qui le cite dans son Tractatus logico-philosophicus.
La lecture de ses œuvres par des écrivains comme Hofmannsthal, Schnitzler, mais aussi Joyce, Beckett et Borges eut une incidence sur leur écriture. La méfiance vis-à-vis du langage exprimée dans La Lettre de Lord Chandoss ou dans les romans de Beckett en est la marque.
Source : Bartillat Editions