Et si les gestes que nous faisons lorsque nous parlons ne servaient pas seulement à souligner notre propos, mais facilitaient aussi notre expression orale ? Convaincues que le geste et la parole sont intimement connectés, deux chercheuses ont monté un projet pour aider les personnes souffrant de trisomie 21 à mieux s’exprimer.

Faites l’expérience, ça marche à tous les coups. Entrez dans une boulangerie et, au moment de passer commande, dites à la vendeuse : « C’est ce gâteau que je veux » en pointant du doigt l’objet du délit. Vous constaterez un timing absolument parfait entre le moment où le doigt termine sa course et la prononciation du mot « gâteau ». Mieux : quelle que soit la langue considérée, français, portugais, anglais…, c’est très précisément sur la syllabe accentuée du mot que le geste de désignation s’achève.

Autre exemple pour le moins troublant : les deux mouvements de mâchoire nécessaires au redoublement de la syllabe « pa » ou « ma » dans les mots « papa » ou « maman » correspondent exactement au temps que le petit enfant met à accomplir le geste de pointage vers son parent. « Ce sont des exemples qui montrent que les systèmes moteur qui contrôlent d’un côté, la parole, de l’autre, la gestuelle, ne sont pas indépendants, mais sont au contraire fortement interconnectés », indique Amélie Rochet-Capellan, spécialiste du contrôle moteur au Gipsa-lab (Grenoble images parole signal automatique)1. Dans le cas du petit enfant, l’apparition des premiers gestes de pointage sans parole permettrait d’ailleurs de prédire exactement à quel moment l’enfant va se mettre à parler.
Un support au langage parlé

« Le geste n’est pas à côté du langage, pas plus qu’il ne représente un système alternatif de communication, il est une aide et un support au langage parlé », précise Marion Dohen, chercheuse spécialisée dans la communication multimodale au sein du même laboratoire. Les deux scientifiques en sont convaincues : en entraînant le contrôle moteur du bras, on améliore le contrôle moteur de la parole.

Pour le vérifier, elles ont mis sur pied un projet de recherche avec une population particulièrement affectée par des troubles de la communication : les personnes souffrant de trisomie 21. « Du fait de caractéristiques anatomiques qui n’ont rien à voir avec leur déficience intellectuelle, les personnes avec trisomie ont plus de mal avec le langage parlé que les personnes “ordinaires”, explique Amélie Rochet-Capellan. Une langue plus grosse par rapport au conduit vocal, un manque de sensibilité dans la bouche, une déformation du palais, le tout associé à des problèmes de respiration, les empêchent de former correctement les syllabes et handicapent leur communication verbale. » (...)

Auteur de l'article original: Laure Cailloce
Source: Le Journal CNRS
Date de publication (dans la source mentionnée): Lundi, 8. Août 2016
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